Réforme du lycée : leur projet, le nôtre

Le ministre de l’éducation nationale a annoncé l’ouverture d’une prochaine concertation sur le baccalauréat. L’enjeu est central pour l’avenir de notre système éducatif. A cette étape, que sait-on du projet gouvernemental ?

1 – Un bac inégalitaire

Réduit à quatre épreuves terminales, le projet de bac Macron fait la part belle au contrôle continu. Déjà largement répandu dans la voie professionnelle, cette forme d’évaluation deviendrait majoritaire dans les séries générales et technologiques. Un candidats au bac ES qui passe aujourd’hui 12 épreuves en contrôle terminal passerait ainsi demain 66% de ses épreuves en contrôle continu. Une proportion montant à 82% pour un candidat au bac STMG…

Le projet de bac Macron est donc celui d’un bac local. Délivré par un lycée producteur de titres dont la valeur varierait d’un établissement à l’autre. Fondamentalement inégalitaire, le bac Macron exacerberait les logiques marchandes déjà à l’oeuvre dans le cadre concurrentiel installé par la contre-réforme du collège et l’autonomie des établissements. Il marquerait la fin du cadre républicain dans lequel s’organise encore le service public d’éducation.

2 – La sélection à l’université

Le projet Blanquer vise également à mettre fin au droit d’accès à l’université jusqu’ici associé à l’obtention du premier grade universitaire qu’est le baccalauréat. Désormais c’est la maîtrise de « pré-requis » qui ouvrirait la voie à une possible poursuite d’études.

Cet euphémisme grossier masque mal la volonté d’imposer la sélection à l’université. Quoi de plus simple en effet que de répondre à la hausse des besoins éducatifs par la mise en place d’une politique de tri ? Quoi de plus simple quand ce sont les enfants du peuple qui les premiers paieront le prix de l’incurie des responsables successifs et du mépris de classe du gouvernement des riches ?

Car ce sont les bacheliers de la voie professionnelle qui seront à coup sûr les premières victimes de la disparition d’un baccalauréat garant d’un droit universel à la poursuite d’étude. Pour le ministre de l’éducation, la voie professionnelle doit en effet revenir à sa « vocation d’insertion professionnelle« . Si celle-ci constitue bien l’une des finalités de tout parcours éducatif, à l’heure du grand enjeu de la transition écologique, l’allongement du temps d’étude est indispensable à l’élévation nécessaire du niveau général de qualification. La conception du ministre, utilitariste et rétrograde, révèle une courte vue dommageable pour les intérêts du pays et une incapacité à prendre en compte les grands défis de notre temps.

3 – Une logique d’austérité

Comme Najat Vallaud-Belkacem avant lui, M. Blanquer souhaite également diminuer le nombre des épreuves du baccalauréat. Un bon moyen de réaliser de substantielles économies en supprimant avec elles les heures d’enseignements disciplinaires qui leurs étaient associées.

Cette vision minimaliste prolonge au lycée les logiques de la contre-réforme socialiste du collège, à l’origine de la suppression de centaines d’heures d’enseignements disciplinaires. Conduira-t-elle aussi à une réorganisation des séries (générale, technologique, professionnelle) et en leur sein des filières (ES,L,S pour ne prendre l’exemple que de la voie générale) ? Alors que le gouvernement semble résolu à mener au pas de charge sa contre-réforme, le risque est grand de voir la prochaine rentrée une nouvelle fois profondément désorganisée.

4 – Une méthode autoritaire

Promesse présidentielle, évoquée dans le discours de politique générale du Premier ministre, la réforme du baccalauréat est le grand chantier éducatif du quinquennat Macron. Si le ministre de l’éducation nationale vante sur les plateaux le caractère « ouvert » de la concertation qu’il engage, il est membre d’un gouvernement dont chacun sait la conception du « dialogue social ».

En réalité, ces dernières semaines, M. Blanquer a mis en place le cadre lui garantissant un complet contrôle du calendrier et de la mise en oeuvre de son projet de réforme. En chargeant Pierre Mathiot de mener les consultations avec la communauté éducative, il a choisi un homme de son camp, un temps candidat aux élections sénatoriales sous l’étiquette En Marche dans le département du Nord. Parallèlement, et alors que le projet de réforme du lycée pourrait s’accompagner d’une révision des programmes, l’incertitude est grande quant au devenir du Conseil supérieur des programmes après la récente démission de son président. Enfin, revendiquant ne pas vouloir réformer par la loi, le ministre s’apprête à se soustraire à tout véritable contrôle parlementaire. C’est sans doute qu’il sait les oppositions déjà nombreuses.

Il y a bien mieux à faire…

Si le baccalauréat peut être repensé (autour par exemple de deux sessions d’épreuves terminales permettant de rompre avec la logique de bachotage et de mieux préparer à la poursuite d’étude), le projet de réforme gouvernemental porte atteinte à la clef de voute de notre système éducatif. Avec la fin du bac comme diplôme national, les programmes, les horaires et les statuts nationaux seraient menacés. Dès lors, parents d’élèves, lycéens et enseignants ont un intérêt commun à refuser le bac Macron.

Au delà, il nous revient de développer un projet alternatif à une politique sans ambition, laissant de côté l’essentiel des enjeux du lycée. Renfort de la voie professionnelle et technologique, allongement de la scolarité obligatoire à 18 ans, démocratie lycéenne, développement de l’enseignement des arts et de la vie culturelle, élargissement de la carte de l’éducation prioritaire… sont autant des propositions contenues dans le livret éducation de la France insoumise pour un lycée égalitaire et émancipateur.

 

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