Envoyé spécial : « Prof à la gomme » efface la com’ de Najat Vallaud Belkacem

Trois jours après la communication triomphaliste de la ministre de l’éducation nationale au sujet de l’augmentation du nombre des inscrits aux concours, le reportage d’Envoyé spécial diffusé hier soir sur France 2 jette une lumière crue sur la réalité de la situation de l’école. Après le quinquennat d’airain de Nicolas Sarkozy et cinq ans de reniements de François Hollande, les conditions d’apprentissages des élèves et de travail des personnels se sont considérablement dégradées.

Le mensonge des « 60 000 créations » de postes, déjà insuffisantes à compenser les 80 000 suppressions de la période 2007-2012, ne résiste pas aux situations présentées par les journalistes d’Envoyé spécial. Leur reportage décrit le quotidien de rectorats cherchant désespérément les enseignants qui leurs manquent à quelques jours de la rentrée scolaire. Celui d’établissements scolaires tentant d’assurer le remplacement de professeurs. Une difficulté devenue si grande qu’elle conduit, comme l’a mesuré la FCPE, à la perte de dizaines de milliers de journées de cours chaque année.

La pénurie est telle que les recrutements s’opèrent parfois sans entretien préalable avec un inspecteur pédagogique. Le recours à pôle emploi, aux annonces dans la presse locale est évoqué. Des étudiants de deuxième année sont embauchés en catastrophe. Le journaliste d’Envoyé spécial, postulant à un emploi de professeur de français raconte. « On m’a, par exemple, demandé de placer une proposition subordonnée de concession et je me suis complètement planté. C’était vraiment un entretien de qualité. Je pense d’ailleurs que mon interlocuteur a vu que je n’étais pas au point. Pourtant, à la fin, il m’a sélectionné ». Sollicitant cette fois une embauche en mathématiques, il est recruté après un entretien de « 11 minutes au total. En huit minutes d’interrogation, j’ai quand même réussi à me tromper un paquet de fois. Ma seule réponse correcte concernait le théorème de Pythagore. Mais à ma grande surprise, il m’a donné un avis favorable pour enseigner au collège ». Edifiant.

Les conséquences d’un système reposant sur la précarisation des enseignants sont désastreuses. Pour les contractuels comme pour les élèves. Les premiers, non formés, précipités en classe du jour au lendemain pour une durée souvent indéterminée, sont placés dans une situation impossible pour pouvoir exercer un métier nécessitant maîtrise scientifique et aptitudes pédagogiques. Les seconds paraissent sacrifiés par une politique de court terme. Plus généralement, c’est la relation entre la population et le service publique d’éducation, dont la qualité est ainsi dégradée, qui est fragilisé.

Cette situation est la conséquence de l’incurie des politiques conduites depuis dix ans. Postes supprimés, austérité interdisant les recrutements nécessaires dans un contexte de hausse de la démographie scolaire, conduisent l’éducation nationale à recourir de plus en plus fréquemment à l’embauche de contractuels. Ils étaient environ 11 000 en 2007, ils sont près de 25 000 en 2013.

La grave crise de recrutement aux concours de l’éducation nationale explique également le désastre actuel. En 2015, il y avait un tiers de candidats de moins qu’en 2007. Comment en effet attirer des bac + 5 vers des métiers rémunérés en début de carrière l’équivalent de 1,3 SMIC ? La paupérisation de la condition enseignante, conséquence du gel du point d’indice engagé en 2010 par Nicolas Sarkozy et poursuivi jusqu’en 2016 par François Hollande, est l’une des explications premières à cette situation qui met en péril le fonctionnement de l’institution.

Invitée à réagir à la diffusion du reportage, la ministre de l’enfumage, Najat Vallaud Belkacem, invitait les téléspectateurs à faire « un choix politique « en 2017. Donnons lui sur ce point raison. Il faut tourner la page de l’héritage Sarkozy-Hollande. Un seul candidat propose la mise en place d’un plan de pré-recrutement pour répondre à la crise des postes vacants aux concours. Un seul s’engage à embaucher des professeurs, non en fonction d’impératifs comptables, mais pour répondre aux besoins éducatifs. Un seul est prêt à titulariser les précaires de la fonction publique afin de leur permettre de se former et de s’approprier leur métier. Ce candidat c’est Jean-Luc Mélenchon. Son programme est celui d’un Avenir en commun. Il est plus que jamais le vote nécessaire de toutes celles et tous ceux qui veulent renouer avec un projet d’école de l’égalité et de l’émancipation.

10 réflexions sur “Envoyé spécial : « Prof à la gomme » efface la com’ de Najat Vallaud Belkacem

  1. Pour avoir passé les concours en 2013 et 2014, et avoir été stagiaire sur l’année 2015-2016, je pense que des efforts ont été fait sur la formation des stagiaires. Tout n’est pas parfait (la formation est très lourde) mais on a quand même des bases dans pas mal de domaines. Donc on ne peut pas dire que cette formation universitaire soit à jeter. Je ne peux pas comparer avec ce qui se faisait avant en iufm ou en école normale, mais tout de même, je trouve qu’on nous a bel et bien transmis la fameuse conscience professionnelle dont parle Roseline.

    • Ta formation me semble bien récente et, à mon avis, dans quelques années et après avoir enseigné dans plusieurs types de classes ( CLIS, SEGPA, REP, double / triple niveau), tu verras comme moi que deux ans de formation ne permettent pas d’affronter les réalités du métier. L’école est le reflet des problématiques de notre société qui malheureusement de nos jours, souffre de trop de maux. Encore cette année, j’ai vu un jeune enseignant mis en difficulté dans une école non classée REP mais avec un public tout aussi difficile. Les visites de formateurs ne sont que source de stress et ne lui ont pas apporté l’aide et la sécurité nécessaire à l’exercice serein de son métier.
      Il suffit de regarder la formation des enseignants au Canada pour se rendre compte que la nôtre est pourrie. Pas une heure de Psychopédagogie dans notre cursus, pas un atelier ou on met en pratique la théorie qu’on doit recracher pur le concours. Personnellement, j’ai fait le choix de me mettre en disponibilité et de m’expatrier pendant un an au moins pour suivre la formation canadienne tellement je ne crois pas en la formation continue que l’on nous propose. Là-bas, c’est un cursus de 3 ans post-bac avec des disciplines réellement utiles au métier et des stages réellement suivis par les professionnels. Pour mon bien-être et mon épanouissement, je vais chercher ailleurs ce que le gouvernement français est incapable de mettre en place.
      La conscience professionnelle ne suffit pas hélas ….
      Mais je crois en l’école publique française, c’est pour cela que je me suis engagée dans ce métier et j’ai l’espoir qu’elle puisse s’ouvrir aux pédagogies alternatives et coopératives pour offrir les bénéfices de celles-ci à toutes les classes sociales de notre société.

  2. J’invite les enseignants à voir le dernier film de Michael Moore  » Where to invade next », en effet une des « invasions » se situe en Finlande, 1er au classement mondial. C’est édifiant…

  3. Même sa réponse sur Pythagore est fausse ( somme au carré des côtés au lieu de somme des carrés des côtés). La multiplication des décimaux est mal posée en ce qui concerne les retenues : celles-ci sont écrites comme dans les additions alors qu’il faut les écrire à côté de l’opération pour éviter la confusion qu’il a faite entre 3 fois 8 et 3 fois 7. Ces deux erreurs énormes prouvent qu’il n’a pas été bon élève en maths avant le bac, qu’il est plus littéraire que scientifique, mais surtout elles ne sont pas relevées par les commentaires du reportage. Celui-ci est à l’évidence un montage, un fake, du bleuf. Ne serait-ce que parce qu’il aurait dû avoir quatre ou cinq classes pour justifier son recrutement. Seulement on n’aurait pas oser perturber cinq classes pour justifier une telle mascarade. Bien que je sois en plein accord avec les paroles de la Ministre sur les désastres causés par la précédente gouvernance, je n’apprécie pas ces méthodes d’intoxication par les médias du grand public. On peut exprimer la faiblesse du recrutement des contractuels d’une autre manière, sans se moquer ainsi des services académiques.

    • Mouais, et dans les années 80 se retrouver en 5e avec un prof de maths qui parle à peine le français, ca vous semble crédible ? Ce fut pourtant mon vécu pendant un an.
      Ce qui semble vous échapper c’est le calcul du rectorat : un prof incompétent mais volontaire c’est toujours mieux que pas de prof du tout parce que ca se voit moins et il peut toujours faire de la garderie (il est clair qu’on ne s’attend pas à ce qu’il fasse cours…). Alors si on n’a que ca à mon avis on prend. Ce candidat était simplement le moins pire. Ou peut-etre le seul…

      Tout simplement parce que qqn de compétent se fera plus de fric et dans de meilleures conditions en donnant des cours de soutien…

  4. Bien dit , bien vu , bien témoigné .
    L’état de l’école est saccagé et bien catastrophique …
    Je m’en suis en allée de là en en retirant ma fillette il y a quelques années de cela .
    J’avais assistée au démandèlement des écoles normales , aux suppressions des équipes pédagogiques sur projet de volontaires, à la fumisterie des Iufm ne permettant pas une vraie formation professionnelle des futurs enseignants , et dans le même temps ,allons-y gaiement, aux parents de plus en plus perdus et demandant à la fois tout et l’impossible à l’Ecole cette institution dépassée, et puis les nouveaux IEN qui passaient un concours sans plus jamais été instituteurs/trces eux-même etc…Bref ! L’école n’est plus qu’une garderie , ses horaires en comptant les garderies des matins et soirs + cantine ne correspondent pas du tout aux besoins des enfants en terme d’apprentissage, et comme vous en témoignez fort clairement ses enseignants sont livrés sans formation, dans cette grosse machine : Comment cela pourrait-il fonctionner …?

    • très juste! je suis issue de l’ancienne Ecole Normale: là était enseigné un vrai métier, une vraie conscience professionnelle … sans vouloir être rétrograde je pense que c’était la meilleure formation! je suis heureuse d’avoir quitt » le navire avant qu’il ne coule!

    • Orpheline de mère je voulais devenir médecin pour enfants et travailler dans les pays pauvres.
      Par manque de moyens financiers j’ai passé le concours de l’EN sans avoir la vocation pour l’enseignement.
      Mais l’École Normale a su me transformer et je suis devenue instite puis psychologue scolaire et IEN plus de 20ans. A regret je suis partie en retraite,l’avenir des enfants,leur réussite -tous, mais particulièrement ceux des couches populaires,me tenait tant à coeur.

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